Rechercher dans ce blog

jeudi

les jeunes filles de vank

Je pars à l’aube pour Gandzassar, un monastère situé dans le nord du Haut-Karabagh. Nous sommes dimanche et je compte assister à la messe. Le monastère est un haut lieu du christianisme d’Orient. Il a été le siège du Catholicos, Patriarche de l’Artsagh (1) durant près de six siècles (1200 – 1800) avant d’être transféré à Chouchi.
À la gare routière de Stepanakert, j’apprends qu’il n’y  a qu’un bus le matin et un bus le soir. Pour embarquer, je dois présenter mon passeport et le papier que m’a fourni le ministère des Affaires Étrangères sur lequel j’avais pris soin d’indiquer Gandzassar. On me délivre un papier en plus du ticket de transport. L’Etat est si fragile que les administrations n’hésitent pas à délivrer des papiers pour prouver son existence. J’embarque donc vers 10h. À la sortie de Stepanakert, le mashrouka emprunte la dorsale Nord-Sud construite récemment par les fonds de la diaspora. L’aide internationale est concentrée sur les voies de communications qui permettent à l’État de développer son économie et d’intégrer l’ensemble des territoires. Le bus ne monte pas jusqu’au monastère, il s’arrête à Vank. Un petit village à partir duquel on aperçoit, le monastère en miniature, perché sur le sommet d’une montagne. Je décide de continuer à pied… Quarante-cinq minutes de marches en pente raide…À mon arrivée, les cloches résonnent dans la vallée. L’office va commencer. Les messes arméniennes sont longues et complexes. Je fais partie des seuls à rester durant les trois heures de rituel. L’encens diffuser par les prêtres donne à voir les rayons lumineux qui traversent la pièce avant de s’échoir sur l’autel. Le cœur des femmes et les chants du prête illuminent les cœurs.
Après le rituel, le cœur apaisé, l’âme hypnotisée par tant de beauté, j’entame une errance autour du monastère. Je visite le cimetière des fédaynes qui lui est accolé. Les tombes sur lesquelles sont gravés les portraits des soldats me rappellent les centaines de photos exposées au musée des soldats disparus.
De retour à Vank, j’apprends que le bus est déjà parti. Je commence à faire de l’autostop, mais nous sommes dimanche et l’activité est faible. Un homme vient à ma rencontre pour m’inviter à manger. Nous passons devant le commissariat avant d’atteindre la salle des fêtes. En entrant, je découvre une salle pleine de soldats en permission. On me fait une place et commence à porter des toast pour célébrer ma présence. Les tables sont remplies d’hommes tandis que des femmes s’activent en cuisine. 

Des enfants dansent…des jeunes filles entament un défilé. Elles s’amusent, elle respire la vie. Je commence à filmer. Certains sont fiers de se présenter, d’autres me posent des problèmes. On me propose un combat de boxe. Je décline l’invitation d’un homme trapu qui visiblement  à trop bu. J’affirme ne pas faire le poids face à lui !
Il est minuit, des voitures surchargées commencent à partir. Je n’ai toujours pas trouvé le moyen de rentrer. À une heure du matin, deux jeunes décident de me raccompagner. Pour éviter les contrôles routiers, ils empruntent les pistes escarpées dans les montagnes. Nous pilons plusieurs fois devant des crevasses qui pourraient nous éjecter dans le ravin. Seule la lune nous éclaire. Je ne suis pas rassuré. Je m’en remets aux prières de la matinée pour assurer ma destinée…



(1) L’Artsagh est le nom de la Province arménienne aujourd'hui appelé Karabagh qui signifie terre noire (fertile) en turc.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire