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samedi

Le mont Ararat et le monastère de Khor Virap

17 août 2010,

Je quitte Erevan en direction du Mont Ararat sur lequel l'Arche de Noë ce serait échoué (Genèse -8,4-). Depuis quelques jours, je suis plongé dans le monde religieux. Mon enquête sur l'identité arménienne s'est transformée en une quête spirituelle. Les images de l'Ararat dont les neiges éternelles paraissent en lévitation dans le ciel renforce son aura mystique.

Durant le trajet, dans la mashrouka (estafette arménienne), je repense aux paroles d'une vieille femme arménienne rencontrée à Erevan : "Dieu, ce sont les hommes qui l'ont fait. Nous l'avons placé là-haut pour qu'il règle nos problèmes." Malgré ses propos rationnalistes, hérités de la période sovietique, la vieille femme prie tous les jours pour que sa descendance ait une vie meilleure que la sienne. Chrétienne convaincue, elle s'inquiète des influences de l'Islam. La peur d'une invasion turque ressurgit régulièrement dans ses propos. Après 1h30 de trajet, j'arrive au monastère de Khor Virap dont les images ont bercé mon enfance. Son image accrochée au mur de la maison de mes grands-parents paternels est un des seuls souvenirs que je conserve de leur foyer. Ils sont morts durant mon enfance et je regrette de plus en plus de ne pas les avoir connus. Mais, je comprends aujourd'hui pourquoi l'image de ce monastère trônait dans leur salon. Il est un des symboles de l'arménité. Ce monastère est un lieu spirituel, hagiographique, historique.
L'histoire raconte que Grégoire, petit-fils d'un prince perse en cavale a été enfermé dans une crypte durant treize années pour avoir prêché les Evangiles.
L'Arménie était payenne et le Roi Thiridate dominait la vallée de l'Araxe.
En 301, alors que le Royaume était à la merci des envahisseurs, le Roi se convertit au christiannisme après que Grigor ait accompli un miracle en le guérissant. Ainsi, le Royaume d'Arménie devint le premier pays chrétien.
Au-delà de la spiritualité, cette action avait une dimension politique. Par la conversion, le christianisme devenait le bien commun des arméniens. Face aux guerres de territoires qui régnaient à l'époque, le Roi avait trouvé le moyen de constituer une identité supranationale, spirituelle. Le peuple arménien, éparpillé dans différents royaumes continuerait de partager des valeurs communes. C'est toujours le cas aujourd'hui.
Grégoire l'Illuminateur ayant été en contact direct avec les apôtres Saint Jean Baptiste et Athanagène, les évêques arméniens exprimèrent leur différence face aux orthodoxes et catholiques en 553.
Ils fondèrent la religion apostolique arménienne dont le siège se trouve aujourd'hui a Echmiadzin où je me trouvais dimanche dernier.
Bien que croyants, les arméniens ne sont pas "bigots" mais il est vrai que L'Histoire de l'identité se confond avec l'Histoire religieuse. Elle en constitue un des fondements. Le monastère de Khor Virap, tout comme les autres monastères que je visiterais prochainement constituent les traces matérielles, les objets de mémoire. Ils dessinent une géographie de la mémoire collective, une géographie qui s'étend au-delà des frontières de l'Arménie actuelle.
Néanmoins, bon nombre d'arméniens restent attachés à la terre d'aujourd'hui. Une coutume veut que le corps du défunt repose dans ou autour des monastères. Ainsi, des Arméniens, d'Ici et de Là-bas, se font inhumer dans le cimetière accolé au monastère de Khor Virap. On dit que leurs âmes habitent l'Ararat pour l'éternité.


Peut-être que mes grands-parents ont un jour exprimé ce souhait. Durant la nuit qui a succédé ma visite, je survolais en rêve l'Ararat. Je flottais dans les Montagnes, je traversais la vallée de l'Araxe... Ce matin au réveil, je me demandais si moi aussi je devais faire le choix d'habiter cette terre pour l'éternité...

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