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samedi

Stepanakert, Capitale d'un Etat qui n'existe pas

Stepanakert, capitale d’un Etat qui n’existe pas aux yeux du monde. Qui a déjà entendu parler de la République du Haut-Karabakh ? Peu de personnes, certainement ! Même les Arméniens ne comprennent pas toujours l’indépendance de cette région. Les résultantes de la guerre sont invoquées par les spécialistes : politologues, députés, sociologues.
Toujours est-il que la capitale Stepanakert est dotée d’un palais présidentiel et d’une Assemblée Nationale.. Depuis la fin de la guerre et les accords de cesser le feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, les khalabakhtsi ont voté par referendum pour leur indépendance. Ils ont considéré que la guerre qu’ils ont mené était motivée par le droit du peuple à s’autodéterminer. L’Arménie a accepté cette indépendance de fait. C’est d’ailleurs le seul pays à avoir reconnu ce nouvel État.
Seize années sont passées depuis. Des maires, des députés de divers contrées sont venus sans qu’aucun président n’ai reconnu officiellement ce nouvel Etat. Il est difficile de prendre le risque de se fâcher avec l’Azerbaïdjan dont les ressources gazières et pétrolières sont convoitées par le monde entier. Ainsi, les Khalabakhtsis qui veulent émigrer doivent passer par Erevan pour obtenir un passeport arménien .
C’est le cas de Boris. Ce jeune khalabakhtsi est né en 1985. lorsqu’il avait six ans, les bombardements ont commencé. Durant de longues années, il continuait à se réveiller en sueur, une boule à l’estomac. Sa mère est partie en 1992 à Sotchi en Russie. Elle venait de perdre son frère colonel qui mis toute  son énergie dans la prise de Shoushi. Boris a grandi en Russie. Il est revenu à Stepanakert l’an passé avec sa mère pour ouvrir un restaurant non loin de la place principale. On l’appelle « jungly » car toute la famille s’efforce d’en faire un espace rempli de verdure avec petite cascade, vigne grimpante, fleurs colorées et parfumées. Bien qu’il s’occupe des travaux avec ses oncles à ses côtés, Boris rêve de partir en Europe. Il vit avec la peur que les conflits reprennent. Cette ville représente pour lui la guerre, une guerre ridicule à ses yeux. Il ne comprend toujours pas pourquoi les Azéris ont voulu chasser les Arméniens de leurs terres ancestrales. Il avait des amis azéris, sans contact aujourd’hui. Il espère pouvoir un jour reparler avec eux de leur amitié d’antan. Il souhaite qu’un jour les deux pays reprennent des relations pacifiques pour que leurs ressortissants puissent revivre. Je lui explique mon projet, ma volonté de redécouvrir la culture arménienne. Il m’explique que lui-même ne la connaît pas bien, mais il peut me présenter à ses oncles. J’accepte volontiers. Nous nous retrouverons demain au « Jungly ».


jeudi

les jeunes filles de vank

Je pars à l’aube pour Gandzassar, un monastère situé dans le nord du Haut-Karabagh. Nous sommes dimanche et je compte assister à la messe. Le monastère est un haut lieu du christianisme d’Orient. Il a été le siège du Catholicos, Patriarche de l’Artsagh (1) durant près de six siècles (1200 – 1800) avant d’être transféré à Chouchi.
À la gare routière de Stepanakert, j’apprends qu’il n’y  a qu’un bus le matin et un bus le soir. Pour embarquer, je dois présenter mon passeport et le papier que m’a fourni le ministère des Affaires Étrangères sur lequel j’avais pris soin d’indiquer Gandzassar. On me délivre un papier en plus du ticket de transport. L’Etat est si fragile que les administrations n’hésitent pas à délivrer des papiers pour prouver son existence. J’embarque donc vers 10h. À la sortie de Stepanakert, le mashrouka emprunte la dorsale Nord-Sud construite récemment par les fonds de la diaspora. L’aide internationale est concentrée sur les voies de communications qui permettent à l’État de développer son économie et d’intégrer l’ensemble des territoires. Le bus ne monte pas jusqu’au monastère, il s’arrête à Vank. Un petit village à partir duquel on aperçoit, le monastère en miniature, perché sur le sommet d’une montagne. Je décide de continuer à pied… Quarante-cinq minutes de marches en pente raide…À mon arrivée, les cloches résonnent dans la vallée. L’office va commencer. Les messes arméniennes sont longues et complexes. Je fais partie des seuls à rester durant les trois heures de rituel. L’encens diffuser par les prêtres donne à voir les rayons lumineux qui traversent la pièce avant de s’échoir sur l’autel. Le cœur des femmes et les chants du prête illuminent les cœurs.
Après le rituel, le cœur apaisé, l’âme hypnotisée par tant de beauté, j’entame une errance autour du monastère. Je visite le cimetière des fédaynes qui lui est accolé. Les tombes sur lesquelles sont gravés les portraits des soldats me rappellent les centaines de photos exposées au musée des soldats disparus.
De retour à Vank, j’apprends que le bus est déjà parti. Je commence à faire de l’autostop, mais nous sommes dimanche et l’activité est faible. Un homme vient à ma rencontre pour m’inviter à manger. Nous passons devant le commissariat avant d’atteindre la salle des fêtes. En entrant, je découvre une salle pleine de soldats en permission. On me fait une place et commence à porter des toast pour célébrer ma présence. Les tables sont remplies d’hommes tandis que des femmes s’activent en cuisine. 

Des enfants dansent…des jeunes filles entament un défilé. Elles s’amusent, elle respire la vie. Je commence à filmer. Certains sont fiers de se présenter, d’autres me posent des problèmes. On me propose un combat de boxe. Je décline l’invitation d’un homme trapu qui visiblement  à trop bu. J’affirme ne pas faire le poids face à lui !
Il est minuit, des voitures surchargées commencent à partir. Je n’ai toujours pas trouvé le moyen de rentrer. À une heure du matin, deux jeunes décident de me raccompagner. Pour éviter les contrôles routiers, ils empruntent les pistes escarpées dans les montagnes. Nous pilons plusieurs fois devant des crevasses qui pourraient nous éjecter dans le ravin. Seule la lune nous éclaire. Je ne suis pas rassuré. Je m’en remets aux prières de la matinée pour assurer ma destinée…



(1) L’Artsagh est le nom de la Province arménienne aujourd'hui appelé Karabagh qui signifie terre noire (fertile) en turc.