Pour ma dernière soirée à Goris, je prends le temps de me balader dans les montagnes qui encerclent la ville. Le décor naturel me fait penser à la Cappadoce. Bien que je ne m’y sois jamais rendu, les récits que l’on m’a raconté m’ont donné l’impression de connaître cet endroit. C’est aussi le pouvoir de la photographie. Les images restent dans notre esprit et intègrent petit à petit notre mémoire. Ainsi, je ne sais plus dire si le souvenir que j’ai de mon arrière grand-mère vient d’une photographie ou de ma mémoire.
Je redescends tranquillement le Mont Oughtassar, lorsque je suis interpellé par un homme qui, depuis son balcon, m’a repéré en train de filmer le vol des oiseaux qui virevoltent dans le ciel au crépuscule, avant de retrouver leur refuge. Je vais à sa rencontre pour échanger quelques impressions. Mon arménien s’améliore petit à petit. Chaque jour, j’enrichis mon vocabulaire en consignant les mots que j’apprends dans mon carnet de note.
Le jeune homme s’appelle Masis (1), il vit chez ses parents avec son frère Mais (2), leurs femmes et leurs enfants. Il est âgé de 27 ans, tout comme moi. Nous rigolons de cette similitude qui nous rapproche. Nous partageons également le sens de l’humour car même si nous avons des difficultés à nous comprendre, nous préférons en rigoler plutôt que de s’accabler.
Face à sa curiosité, je lui présente ma carte d’identité. Toute la famille est intriguée. Ils sont ravis de voir que je porte un nom arménien. Bien conscient des traumatismes de l’histoire, depuis le génocide de 1915 jusqu’à la guerre du Karabagh, ils m’affirment que pour eux, je suis Hay, France-hay (3)
Ces mots me font prendre conscience que petit à petit, je redécouvre mon identité. Je pensais en préparant mon voyage que je devais mieux connaître la culture arménienne, mais aujourd’hui je me rends compte que j’éprouvais un besoin de reconnaissance de mes origines.
Mais au-delà de cette proximité, d’âge et d’histoire, je me rends compte également de nos différences de vie. Ils vivent dans un milieu rural, avec des difficultés pour travailler… Ils sont nés durant la guerre. Ils ont envie de partir…
(1) nom arménien pour désigner le grand sommet de la montagne Ararat
(2) nom arménien pour désigner le petit sommet de la montagne Ararat
(3) Hay est le nom donné aux habitants de l’Hayastan (Arménie)
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