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samedi

Préparation du voyage à Paris

Dimanche 25 juillet 2010,

Les jours passent et mon départ pour l'Arménie approche. Depuis plus d'un an, je prépare ce voyage dans les hauteurs du Caucase sur la terre de mes ancêtres. Mais à quelques jours du départ (samedi 31 juillet 2010), bon nombre de questions restent en suspens. Ce voyage a pour objectif de redécouvrir la culture de ma famille paternelle, et ainsi de mieux saisir mon identité culturelle. Né en France, je me suis toujours senti français. Néanmoins, chaque fois que j'entends parler de l'Arménie, je me sens proche de ce pays. J'en connais des images (celle du mont Ararat, de la Cathédrale d'Etchmiadzine), je reconnais sa gastronomie, j'entends sa musique... Mais je suis loin d'être arménien. Je ne maîtrise pas la langue, juste quelques mots qui j'espère permettront de me faire comprendre et de me faire accepter.
Samedi, en arrivant à Erevan, Aram, le frère de Shushanek, une amie arménienne pédiatre à Paris, doit venir me chercher à l'aéroport. Ses parents ont accepté de m'héberger quelques jours, le temps de m'acclimater. J'ai hâte de faire leur connaissance et de passer du temps dans une famille arménienne. Ce sera pour moi la première étape de mon pèlerinage culturel.


Dans mes bagages, au-delà de mes affaires de première nécessité, un livre mérite d'être cité : "Embarquement pour l'Ararat" de Michael Arlen. J'ai pris ce livre avec moi sur les conseils de Martine Hovanessian(1) que j'ai interviewé il y a peu de temps. Ce livre raconte l'histoire d'un fils qui, à la mort de son père, part à la recherche de son identité arménienne que son père lui avait caché en changeant de nom. Dans son voyage, au-delà de l'identité, le fils découvre le passé, renoue avec son arménité et réhabilite son père...



(1) Martine Hovanessian est anthropologue, directrice de recherche au CNRS. Elle enseigne à l'INALCO. Elle a écrit entre autres : " Le lien communautaire, trois génération d'Arménien" 1992, Armand Colin. Vous pourrez retrouver l'interview de Martine Hovanessian sur le site Internet Hayastan, Arménie d'Ici et de la-bas et dans le film documentaire Hayastan, la route de la vie.

vendredi

C'EST PARTI !

Dans l'avion, au départ de Paris, l'hôtesse me place siège 10 A.
A ma droite, côté hublot, un père de famille emmène sa femme et ses enfants, visiblement pour la première fois, en Arménie. Ils viennent de Los Angeles.
A ma gauche, de l'autre côté du couloir, il y a Vatche et Sevan Demirdjian, 2 artistes arméniens originaires du Liban et de Turquie. Je les ai rencontrés peu de temps auparavant lors des journées de commémoration du Génocide arménien, les 23 et 24 avril 2010.


L'américain demande au stewart si nous survolons la Turquie.
Après avoir pris renseignement auprès du pilote, le stewart répond par la négative. L'espace aérien, tout comme la frontière terrestre entre la Turquie et l'Arménie, reste interdit.
Je repense aux différentes manifestations pour la reconnaissance du Génocide auxquelles j’ai participé. Le besoin de reconnaissance qu’éprouvent les arméniens semble aller au-delà d'une criminalisation de l'état Turc. Le besoin de commémorer et la demande de reconnaissance qu’ils expriment est un message pour l'avenir : "Plus jamais çà !"
Je pars aujourd'hui en Arménie pour retrouver les racines culturelles qui se sont peu à peu enfouies du fait de l'exil forcé. A l’évidence, je ne suis pas le seul et ces premières rencontres m'encouragent dans ce projet. Nous avons apparemment tous besoin de savoir d'où nous venons pour comprendre où l'on va !

jeudi

Tsitsernakabert : le Fort aux hirondelles

2 août 2010, Erevan

Je me réveille à Erevan. Il est six heures du matin… le décalage horaire (+3 heures) ne joue pas en ma faveur, mais ma volonté de découvrir la ville est plus forte que la fatigue. J’assiste au lever du soleil qui monte peu à peu dans le dos de "Mère Arménie" (May Hayrenik), une grande statue de style soviétique qui trône sur la ville. Par chance, j’avais pris le contact d’Anaït Stepanian, la fille d’un grand artiste arménien, mort en 1977. Elle accueille des voyageurs pour gagner sa vie. Sa maison cumule les fonctions : habitat, auberge et musée.
Aussi étrange que cela puisse paraître, je me sens bien dans cet espace chargé de symboles et de vieux objets. Pour certains, cela apparaîtrait comme un fouillis, pour moi, il respire la vie. Je prends le temps de parler avec Galiané, la sœur d’Anaït, qui m’invite à prendre le thé chez elle. Elles sont voisines. Anaït reçoit un groupe de touristes, je dois donc quitter les lieux. Sa sœur m’invite à passer une nuit chez elle. Je découvre alors les talents de leur père : peintre, sculpteur, inventeur… Galiané me raconte son parcours de vie entre Erevan, Moscou et l’Italie. Plusieurs résidences artistiques, des expositions et plus de 300 livres illustrés. Son père était néanmoins contraint de conformer sa créativité aux exigences du régime soviétique. Il n’a pas été emprisonné mais a échappé de peu à la répression… Celà n’a pas été le cas pour d’autres artistes qu’il côtoyait, comme Ervand Kochar et Sergei Parajanov, dont on peut visiter les maisons au centre d’Erevan. Je ne manquerai pas de les visiter durant mon séjour.

Je décide d’aller me recueillir au Mémorial pour commencer mon voyage. Je dois rejoindre Vatché, Sevan et Lia, que j’ai rencontrés dans l’avion, qui, tout comme ma famille, ont été coupés de la "mère patrie" lors du Génocide de 1915. Le Mémorial, aussi appelé "Fort aux hirondelles" (Tsitsernakaberd), m’apprend bien des choses sur l’Arménie d’avant le Génocide.





Le territoire qui était englobé dans l’Empire Ottoman était divisé en Provinces. Huit sont aujourd’hui en Turquie. Le Mémorial les symbolise sous forme de colonnes autour de la flamme éternelle qui immortalise les disparus. J’éprouve énormément d’émotion devant les différentes représentations de ce passé qui nous a déchiré, qui nous a éparpillé.
Je prends conscience, dans le musée qui est accolé au Mémorial, des souffrances qu’ont endurés mes aïeux. Je comprends également la chance que j’ai d’être en vie, de la vie que je mène en France aujourd’hui, loin des troubles du passé. Je prends aussi conscience du devoir que j’ai d’honorer les victimes par le travail que j’entreprends…
Les larmes aux yeux, je quitte le musée. Triste aujourd’hui, pour être heureux demain… Le voyage rapproche du passé mais permet également d’envisager l’avenir… Je redescends en ville à pied, quelques heures de marche sont nécessaires pour digérer ce que je viens d’éprouver…

mardi

Armenie - Iran

Mercredi 11 août 2010,


Avant de prendre la route pour le sud de l'Arménie en direction du Monastère d'Amaras, je suis invité par Aram, au match de football Arménie - Iran qui se déroule au Stade Hrazdan. L'an passé ce stade avait été marqué par la rencontre entre l'Arménie et la Turquie. Cette rencontre avait donné un élan à la reprise des négociations pour l'ouverture de la frontière entre les deux pays. Les négociations sont aujourd'hui gelées de nouveau sur fond de négationnisme.

Les arméniens expriment en tous cas leur intérêt pour cette ouverture car aujourd'hui ils se retrouvent enserrés entre la Turquie et l'Azerbaïdjan avec pour seules portes d'entrée la Géorgie au nord et l'Iran au Sud. Les deux pays sont donc amis, la frontière est ouverte et les relations cordiales. Le match de foot est l'occasion pour les communautés de se rapprocher en partageant un loisir commun. Pour ma part, je ne suis pas un habitué des stades, mais je suis motivé par le désir de rencontrer des supporters des deux communautés, heureux de découvrir l'ambiance qui règne dans ce stade.  Le coup d'envoi est donné à 21 heures, deux petites tribunes se font face, elles sont pleines, mais les 2/3 du stade est vide. J'arrive avec 5 minutes de retard, les guichets sont fermés mais nous arrivons tout de même à nous procurer des places auprès d'une voiture ordinaire garée devant le stade (prix des places 1500 drams : environ 3 euros). Nous sommes placés par les policiers du côté des Iraniens. Ce n'est pas ce que nous aurions choisis spontanément. Quelques arméniens se retrouvent dans le même cas que nous. Mais les Iraniens sont motivés, mettent l'ambiance et nous accueillent chaleureusement.



Le match s'anime, et l'Arménie ouvre le score à la 32ème minute... Le camp Arménien jubile : on croit à une victoire tant désirée. L'équipe est soumise à de nombreuses critiques ces derniers temps. Côté Iranien, les supporteurs entonnent des chants en coeur. J'apprécie la bonne humeur d'un peuple qu'on nous présente systématiquement comme opprimé par le poids de la foi. L'ambiance est toujours aussi bonne à la mi-temps... 1-0 : les arméniens se prennent à rêver d'une victoire. Les iraniens gardent confiance en leurs joueurs pour réduire le score et devancer les rouge et jaune.  L'ambiance est toujours aussi bonne à la mi-temps... 1-0 : les arméniens se prennent à rêver d'une victoire. Les iraniens gardent confiance en leurs joueurs pour réduire le score et devancer les rouge et jaune. La deuxième mi-temps commence sur les chapeaux de roues. Un pénalty est sifflé en faveur des arméniens. Le goal iranien réalise un formidable arrêt et sauve son équipe d'un écart difficilement rattrapable.


Les tribunes redoublent d'ambiance, alors que l'Iran égalise sur coup de pied arrêté. Je suis monté dans la partie des tribunes réservées aux journalistes en me faisant passer pour un reporter sportif, français évidemment (une belle carte de visite, il faut bien l'avouer, quoique depuis le Mondial !...). Les supporters devant moi me demandent qui je soutiens, je leur dis que mon coeur balance pour les arméniens. Ce sont des arméniens et en sachant que je viens de France, ils me récitent les noms des joueurs de l'équipe de France d'origine arménienne : Djorkaeff, Boghossian...
L'Iran marque de nouveau, sur un centre-tir cette fois-ci. Les Iraniens sont à la fête, les arméniens poussent leur équipe pour revenir à la marque. Les 90 minutes touchent à leur fin lorsque le goal arménien se retrouve en face à face avec un attaquant Iranien.
Il commet une faute...
Le mal est fait, pénalty en faveur de l'Iran qui ne ratera pas cette balle de 3 - 1. Le match se termine par des chants perses dans un pays chrétien. Je suis rassurer de voir qu'en Arménie les peuples de différentes confessions religieuses peuvent s'amuser dans la fraternité. C'est du moins de cette manière que je choisis de vivre mon identité.